Danse à 2
Le Tango Argentin, Un art qui se danse.
Le tango argentin est une danse plus que centenaire qui appelle un certain respect, le respect de soi et celui des autres. Le tango argentin, c’est l’histoire de peuples émigrants qui ont tout laissé, tout perdu parfois, qui se sont rencontré, qui ont partagé, peines et joies, tristesses, colères et mélancolies.
Loin d’une simple succession de pas, le tango argentin est avant tout une marche, une marche dans la vie, un art majeur, une façon d’exister, une philosophie.
Donner du sens, ce sens qui nous permet de comprendre ce que nous faisons, et pourquoi nous le faisons, un véritable message de paix intérieure et de tendresse, pour ne pas avancer seul, aveugle au monde qui nous entoure dans la vie, mais dans le bal aussi. Une envie de partager avec l’autre, celui que l’on étreint.
Arrivé en Europe par le spectacle, le tango argentin est une danse avant tout populaire. Du bal tango au bal musette, il n’y a qu’un pas, seul les rythmes changent, encore que, dans le bal musette, le tango est roi !
Le tango de bal est une danse improvisée, seconde après seconde, en fonction de la façon dont la musique est ressentie (mais aussi de l’espace libre sur la piste), le mouvement s’impose au danseur.
La base du tango étant la marche, 2 notions sont fondamentales pour son apprentissage, savoir se tenir debout (et nos corps y sont habitués depuis de nombreuses années en général), et reconnaître les 4 directions cardinales qui nous entourent Est, Ouest, Nord, Sud (autrement dit avant, arrière, droite, gauche !) Le reste n’est alors que trajectoires, parallèles, perpendiculaires, équilibres de poids, contrepoids et changements de direction.
Il n’existe pas de pas conventionnel qu’il faudrait reproduire, et il est inutile, pour bien danser, d’apprendre des séquences par cœur, bien au contraire, l’apprentissage de figure dans la danse tue la danse.
Il convient en revanche de retrouver son naturel et d’éviter les attitudes « tango ». La présence d’un maestro où plutôt d’un « coach » vous permettra d’avancer plus rapidement dans le réapprentissage de tous ces mécanismes corporels parfois perdus de la marche, et pourtant tellement innés et pas toujours si complexes à retrouver.
Au fil du temps, les pas du tango se sont beaucoup diversifiés. Alors qu’au début le tango n’était qu’une marche, sont apparues ensuite des figures plus élaborées, comme les ochos, ganchos, boleos, colgadas, sauts, et autres mouvements corporels spectaculaires, qui ne sont pas pour autant une fin en soi mais une façon d’agrémenter la danse, pouvant intervenir ponctuellement et non au détriment de l’émotion, du respect de son partenaire et du bal.
Que ceux qui en ont souffert se rassurent, dans la danse comme dans la vie, le temps apprend aux hommes et aux femmes l’humilité, nous comprenons alors que « nous ne saurons jamais assez ». Alors vient le temps de l’essentiel, de la sagesse. Ceux qui savent n’ont plus besoin de démontrer, ils passent à un savoir épuré plus noble, lingé d’un drap d’histoire, histoire de cette danse, de cette musique, des comportements sociaux qui vont avec, des codes, des traditions. Alors la danse devient vraie, moins superficielle et plus riche de sens, les modèles des danseurs changent et deviennent plus nombreux, le bal se construit et se respecte.
Le renouveau du tango en France, en Europe date d’il y a une quinzaine d’années. Ce tango là est encore jeune…. Donnons lui 5 à 10 ans et les traditions y prendront la place qu’elles méritent, sans pour autant couper court à l’innovation et la recherche technologique.
Aux voyageurs intrépides, l’empreinte des bals tango de Buenos Aires marquera la vie de danseur, et le bal tango s’harmonisera pour laisser place à l’émotion sincère de deux êtres enlacés pour le meilleur et pour le pire.
Le tango est dit « une émotion qui se danse », reste à chercher en soi et reconnaître les émotions que chacun à a exprimer !
Le point de vue musical
La musique du tango est généralement lente et bien marquée rythmiquement.
La façon naturelle de danser sur cette musique consiste à marcher sur les temps forts (les temps 1 et 3 de la mesure à 4 temps). Cette marche régulière sur la pulsation musicale est la base du tango. Mais un danseur peut aussi décider de danser sur des temps faibles (pour marquer un contretemps, un quart -temps...), ou ne pas danser sur un temps fort (pour faire une pause).
On peut jouer sur le rythme, mais aussi sur les mouvements de jambes. Etre dans le temps mais aussi dans l’espace.
Son apprentissage
Il existe plusieurs types d’apprentissage, depuis toujours d’ailleurs,
[-] par observation et capacité propre à comprendre les mécanisme kinésiques de déplacement et les travailler âprement,
[-] par apprentissage auprès d’amis, de proches qui sauront mettre les pieds à l’étrier aux différents candidats plus rapidement et expliquer tant bien que mal les bases nécessaires et utiles,
[-] les méthodes d’apprentissage peuvent avoir été élaborées et affinées voire maîtrisées par certains danseurs qui dès lors dispensent une formation et apportent un savoir faire comportemental et musical souvent plus élaboré, permettant de gagner bon nombre d’années de travail personnel en apportant un confort et une connaissance corporelle plus efficace dans un laps de temps plus court.
Certains travaillent seul, autonomes et passionnés, dont le fruit de la recherche méritent le détour, ce sont des coach, enseignants, chorégraphes le cas échéant.
D’autres en école, dont certaines d’ailleurs ont vocation à préparer les danseurs au spectacles (et il n’est pas rare de voire des spectacles où plusieurs couples évoluent à l’unisson sur une chorégraphie bien huilée, d’une beauté parfois rare mais dont évidemment il n’est laissé aucune place à l’improvisation et souvent l’émotion laissée pour compte.
Globalement, au résultat chacun danse en exploitant ses connaissances, avec son propre ressenti. Deux personnes de même niveau, peuvent avoir suivi le même enseignement et pourtant posséder des styles très différents, d’autres seront les clones parfaits de leur mentor, et dans tous les cas rester incompatibles. Mais deux personnes peuvent tout autant ne pas avoir suivi le même enseignement et danser en parfaite harmonie.
Il faut être deux pour danser
Le tango se pratique en général en couple de personnes de sexe opposé, mais il n’est plus rare aujourd’hui de trouver des personnes de même sexe danser ensemble, dans les deux cas pour le plaisir souvent de se challenger aux différents rôles de guide et de suiveur propre à la danse à deux mais plus généralement se faire plaisir.
Pour assurer une progression harmonieuse du couple sur la piste, il est important de maîtriser l’art du guidage et du suivi.
Le guide interprète la musique et fait des propositions de déplacements, des ouvertures vers un espace libre, en positionnant son poids au sol à la périphérie de son partenaire et orientant son abrazo pour l’essentiel. Le guide ne se trompe jamais dans ses propositions, en revanche il doit faire attention à la forme et la façon. En aucun cas il ne convient de manipuler son partenaire s’agissant d’une proposition libre de suites. Plus les propositions seront claires plus il aura de chance d’être compris et accompagné. Le guide doit effectuer un travail d’écoute permanent de l’état de son suiveur, extérieur et intérieur, ses choix de propositions en dépendent directement et la capacité de son partenaire à le suivre aussi. Il n’y a donc pas de mauvaise « figure » mais que de mauvais choix.
Le suiveur dont le rôle ne doit absolument pas être négligé, doit développer lui une capacité d’écoute et d’accompagnement acerbe, il doit interpréter dans l’instant l’information transmise par le mouvement corporel global de son guide et réagir en conséquent en commune mesure avec les propositions qui lui sont faites. Le suiveur ne commet jamais d’erreur en soi en général puisqu’il réagit à une proposition et que son interprétation lui appartient et ne peut être considérée comme fausse. En revanche il conviendra pour éviter les interprétations aléatoires de donner un maximum de temps à l’écoute et de privilégier le non mouvement à la gestuelle inconsidérée.
Les mauvais pieds sont ceux qui marchent sur ceux de son partenaire.
Le Bal
Une fois que tout cela est quelque peu senti, le bal devient un cap à passer. Plus tôt le danseurs s’y confrontent mieux cela est. Il est possible de se faire plaisir très rapidement pourvu que l’on respecte les règles de déplacements évoqués ci-avant. Respect de soi, respect des autres, respect du bal !
Danser un tango, c’est plus que faire des pas ou des figures. C’est d’abord un ensemble de codes subtils, qu’il faut savoir gérer et découvrir, puis apprécier... Quelque soit la danse, les danseurs expérimentés se comporteront de la même façon. Les invitations se feront le plus souvent à distance, les danseurs que l’on aborde auront d’abord d’une façon souvent discrète reçu l’aval du ou de la partenaire de leur choix avant d’aller à leur rencontre.
En Argentine, l’homme invite la femme avec un « cabeceo », signe de tête ou regard discret qui permet à l’homme et à la femme, et à eux seuls, de savoir qui dit non ou qui dit oui. La femme qui refuse détournera la tête et le tanguero éconduit saura lui seul que l’invitation est déclinée, ce qui lui permettra de ne pas perdre la face, ceci constituant un spectacle rare et inoubliable pour l’aficionado européen de passage à Buenos Aires. C’est un contrepoint d’expérience et de créativité, d’équilibre et de sensualité, de communication complice dans une séduction suggérée — une rencontre commençant dans le regard et se poursuivant dans l’« abrazo » (enlacement).
Et c’est à partir de cet enlacement étroit que s’installe, sans échanger un seul mot, la réciproque intention de se livrer. Enlaçant sans brusquerie le corps de la femme, le bras droit de l’homme propose d’établir une certaine distance et le mode de contact entre les deux corps qui commencent à se découvrir, à échanger, à mutuellement s’adapter, cherchant à se compléter, à s’ajuster, à se fondre en un seul : c’est l’« abrazo » ou étreinte.
Ensuite on attend parfois jusqu’à une minute, le temps (comme dit le milonguero, celui qui danse dans une milonga, le lieudit où l’on danse le tango, la valse criolla « créole » et la milonga, autre rythme incontournable des bals tango) que le bal se mettent globalement en mouvement, le temps que l’on apprenne à se connaître, se parler s’écouter, communiquer, le temps pour la musique de passer de l’oreille à la tête, puis de gagner le cœur, le corps et l’âme et que les pieds se mettent en branle dans la douceur d’une marche partagée.
Le couple danse en partageant les espaces, les pleins et les vides, écoutant le corps de l’autre, captant son émotion, son anxiété, sa surprise. Les partenaires ne se regardent presque pas et ne se parlent pas. S’ils le font c’est que le langage des corps a échoué. Dialogue secret de questions et de réponses, parfois demande, parfois esquive, parfois exigence ou réserve, pudeur ou crainte.
D’aucuns disent que pour danser un tango il faut être deux : pourtant deux ne suffisent pas. Dans cette communion, le couple danse accompagnés par la musique, attentifs au rythme et à la mélodie, et ce sont leurs sentiments qui la transforment en mouvement. Ils dansent avec l’autre et pour l’autre. Ils dansent avec les autres couples dont ils partagent l’énergie. Ils dansent avec le sol qui leur transmet les vibrations des autres danseurs ; ils lui rendent en caresses l’appui qu’il leur donne.
Dans cet équilibre subtil des relations, aucun ne doit dominer. L’égoïste qui danse seul prive son partenaire de cette union tant désirée. Le couple qui s’isole restera isolé, se privant ainsi de recevoir le feu sacré des autres couples, tout comme il se refuse à apporter sa propre ardeur à la danse partagée. Ceux qui ne font que s’exhiber trahissent leur intimité. Mais quand tous ces éléments sont réunis de manière égale, la communion est parfaite.
Mystère des corps en harmonie, magie du tango qui les mène à l’extase, émotion intense et totale, du corps et de l’âme. Ils aimeraient que ce tango dure toujours et que rien ne vienne interrompre l’enchantement. Lorsque s’éteint la dernière note, ils restent enlacés pour quelques instants de plus. Et quand l’expérience a dépassé l’habituel, les paroles sont inutiles. Ils se regardent presque avec pudeur, voire ne se regardent pas, ébranlés, presque effrayés, devant une telle émotion.Nouveau paragraphe